“ Grâce aux passeurs nous sommes devenus des soldats de la France libre, des combattants des armées de la Libération » écrivait Manuel Ricoy, président départemental des Évadés de France.
La famille Lalhève était paysans et bergers sur le plateau de Lhers. Le fils, Jean-Pierre, était passeur pour un réseau qui acheminait les candidats au passage jusqu’à la gare de Cette-Eygun, cachés dans la locomotive. Toute la famille participait. La mère nourrissait les évadés, le père, Jean-Baptiste, les cachait. La nuit, souvent en compagnie de Louis et Tino Troïtino, Jean-Pierre les accompagnait jusqu’au col de la Cuarde. Un soir de janvier 1944, ils avaient à faire passer trois hommes qui prétendaient être arrivés chez Lalhève par la filière habituelle mais la vue d’une patrouille allemande qui les surveillait près de la frontière inquiéta Troïtino qui suggéra à Jean-Pierre de ne pas rentrer chez lui et de se cacher. Celui-ci, inquiet pour sa famille, ne l’écouta pas. Entre temps, les soldats allemands étaient arrivés à la ferme. Après une fouille en règle et un interrogatoire, ils emmenèrent Jean-Baptiste, le père et Léon, le frère cadet. À la mère et à la sœur effrayées, ils dirent que si Jean-Pierre se constituait prisonnier avant le soir à la Kommandantur de Bedous, ils libèreraient Jean-Baptiste et Léon. C’est ce qu’il fit mais ni son père, ni son frère ne furent libérés. Ils partirent tous les trois en déportation par le convoi du 22 mars 1944 en direction de Mauthausen (Autriche). Jean-Baptiste, 65 ans, fut gazé à Hartheim peu de temps après ; Léon et Jean-Pierre furent transférés au camp de travail de Gusen où ils moururent d’épuisement et de maladie le 19 décembre 1944 pour Léon (19 ans) et le 20 avril 1945 pour Jean-Pierre (23 ans).
Ouvrier dans les centrales électriques, Théodore dit Tino Troïtino bénéficiait d’un sauf-conduit qui lui permettait de circuler la nuit et donc, d’avoir un bon argument en cas de contrôle : « Je suis là parce qu’il y avait un ennui ». Il travaillait notamment pour le réseau Bourgogne chargé d’évacuer des aviateurs américains tombés sur le sol français. Il fut arrêté à la gare d’Oloron en mars 1944 porteur d’une valise contenant des documents compromettants. Son silence sauva la vie des autres passeurs aspois du réseau. Il fut déporté au camp de Neuengamme puis à Ravensbrück où il mourut le 26 avril 1945, quelques jours avant la libération du camp. Il venait d’avoir 28 ans.