À la gare de Bedous stationnait la garnison locale. Le groupe de Renaud de Changy (voir les POIs précédents, Lurbe et Escot) devait y passer pour continuer sa route. « Attention, maintenant, moins de bruit que jamais » chuchota Tino au groupe qui l’entourait. « Nous devons longer la Kommandantur et traverser la gare ». Le passeur partit en éclaireur tandis que le groupe attendait en contrebas de la voie ferrée. Sans nouvelle de lui, les deux autres passeurs, Jean-Baptiste Capdaspe et Catherine Traille, décidèrent de continuer malgré les risques encourus. « Chacun reprend sa place, le cœur un peu serré, maudissant la présomption de ces fichus guides qui poussent l'audace jusqu'à passer si nombreux devant la Kommandantur, par pleine lune ! Voici plus de deux heures que nous sommes ainsi tapis dans les ronces et Tino ne revient pas. Tant pis, on repart. Notre dernière chance réside dans l’obscurité, il faut la tenter.» La consigne passa de bouche en bouche : « Si on tire, dispersez-vous et plaquez-vous au sol ! » Pas à pas, le dos courbé et les jambes raides, les vingt-deux silhouettes reprirent leur marche vers la gueule du loup. « Bientôt, de la cour de la Kommandantur, nous parviennent des éclats de voix. Par bonheur, un wagon en stationnement sur une voie de garage masque un peu nos déplacements. Un à un, nous franchissons le rai lumineux qui s'échappe d'une fenêtre non occultée derrière laquelle... discutent trois Allemands, à moins de 10 mètres ! Entre les voitures de chemin de fer dispersées çà et là, nous nous coulons en silence, comme un peuple de rats énormes. Enfin, l'obstacle est franchi et nous reprenons bientôt une allure normale à travers de vastes prairies qui nous laissent très vulnérables ».
Renaud Carpentier de Changy, It’s a long way to go…, Inédit, archives Louis Loustau-Chartez