« Ils étaient venus de très loin ces anciens évadés, certains étaient âgés de 80 ans, les plus jeunes approchaient de 70, bien serrés comme ils étaient en 1943 sous un creux de la montagne pour se cacher avant de passer la frontière, bien serrés comme ils étaient dans les prisons espagnoles, bien serrés comme ils étaient dans les péniches du débarquement d’Arromanche ou devant Toulon, bien serrés autour de leur président Manuel Ricoy… Et là, tous ensemble, ils pensaient à ces milliers d’hommes qui dans toutes les vallées de Soule, Barétous, Aspe, Ossau s’étaient comme eux évadés de France, avaient franchi les cols par Orgambidesca, Eroymendy, la Pierre-Saint-Martin, la Cuarde, le col des Moines ou du Pourtalet… mais quand bien même l’auraient-ils voulu, beaucoup de ces évadés ne purent être au rendez-vous que Manuel Ricoy leur donnait à Bedous. Il y a 45 ans qu’ils dorment en Afrique du Nord, en Sicile, devant Cassino, sur une plage de l’Estérel ou contre une fortification de Normandie. Il y en a qui dorment au bord du Rhin, en Forêt noire, en Bavière ou dans le Tyrol autrichien. Mais leur souvenir demeure et leur sacrifice revivait l’autre jour, en haut de la côte de Bedous, devant cette stèle qui porte le témoignage de la folie des hommes ».
François Bayé-Poey, La porte de la Liberté, passeurs et évadés de France (1942-1944), Passages en Aspe bulletin n°9 de l'Association de Mémoire Collective du Béarn, Pau, 1994.