Refusant le STO (Service du travail obligatoire), René Vignau-Loustau prend le train depuis Tarbes, direction Sarrance où, lui a-t-on dit, il pourra trouver des passeurs qui l’aideront à rejoindre l’Espagne. Dans le train entre Pau et Oloron un policier allemand entra dans son compartiment.
« Il me regarde, le visage sévère et m’apostrophe dans un français très approximatif :
- Contrôle papiers, billets train, bagages !
Sans un mot je m’exécute, il examine lentement les documents que je lui tends, fouille ma valise. Il me regarde une nouvelle fois avec insistance.
- Vous faire quoi à Sarrance ?
Surpris, j’ai heureusement le réflexe rapide. Sans hésitation, sans abaisser les yeux, je réponds calmement :
Je vais rendre visite à mon oncle âgé pour l’aider dans ses travaux à la ferme et rapporter de la nourriture à Tarbes.
Le soldat m’examine encore, réfléchit, semble hésiter… Avec soulagement je le vois se diriger vers le couloir du wagon. Mais, brusquement, il se retourne et m’apostrophe à nouveau, brutalement :
- Le nom de votre oncle ?
Sans hésiter, je prononce le premier nom qui me vient à l’esprit et soutiens son regard. Il réfléchit encore, esquisse un espèce de rictus méprisant, puis tourne les talons définitivement ».
René Vignau-Loustau, De l’arrestation au camp de concentration, Mémoires de guerre, des béarnais sur tous les fronts 1939-1945, édition Maison du Patrimoine, Oloron Sainte-Marie 1995.